Alexandre Castant

Le Bestiaire photographique

Catalogue

« L’Animal en vues » in Camera international, catalogue de l’exposition de Montpellier Photo-Visions Le Bestiaire photographique, 31, hiver 1991.

Il y a de l’étrange dans la photographie… L’étrangeté du temps qui se fige en restant vibrant dans l’image, et qui dévoile un émoi dans le regard, une inquiétude. Dès lors, l’association de la photographie à l’éternelle thématique du bestiaire apparaît comme un défi onirique qui s’imposait […]. Les photographies du bestiaire, qui constitue l’édition 1991 de Montpellier Photo-Visions, proposent ainsi un panorama révélant les liaisons ambiguës et fugitives que les photographes entretiennent avec ce sujet, ses formes, sa nature et sa fonction : une série d’approches stylistiques s’y dessine. Le bestiaire comme trace… Du dessin rupestre (détourné par le photographique) aux études scientifiques conduites sur le mouvement par Étienne-Jules Marey et appliquées au monde du bestiaire, le graphisme animalier devient autant une trace qu’un reflet de l’Histoire (Michel Brunier, Marie-Noëlle Diochon, Caroline Feyt, Jacques Fournier, Lenni Van Dinther…). Ou encore le bestiaire comme combinatoire : l’animal est alors étudié pour sa forme, ses lignes, ses contours, il intéresse une recherche visuelle qui le désagrège ou le documente en explorant, notamment, la relation (domestiquée ?) de l’animal à l’homme. Dans un espace social, culturel ou affectif, les bêtes communiquent, et, nous parlant dans une telle proximité, les photographes jouent alors avec l’analogie : semblances, différences, dialogues inversés (Peter
H. Beard, Charles Camberoque, Yann Charbonnier, Aleksandras Macijauskas…). Enfin, l’animal fantastique, idéalisé, revêt les apparences des légendes qui ont façonné son mythe, fantasmatique (Joan Fontcuberta, Pere Formiguera, Flor Garduno, Gladys, William Ropp, Manuel Vilarino…). Une série de tendances, donc, jamais exclusives, qui restent ouvertes aux autres, et avec lesquelles les photographes, dans l’étrangeté de leur art, composent avec leurs multiples possibilités… Or à force de voir le monde des animaux, on oublierait presque que ceux-ci posent avant tout une question sur le regard, et donc sur l’image, aux visions du photographe (James Balog, Chen Bao Cheng, Ann Mandelbaum, Bettina Rheims, William Wegman)… La littérature, avec ses mythologies, ses fables, ses contes, a particulièrement sollicité les animaux dans cette perspective trouble et poétique, la peinture, le cinéma aussi. À la photographie maintenant de dévoiler à sa manière la singulière étrangeté du bestiaire.

A. C.

Site de Consultation :
Bibliothèque Publique d’Information, Centre Pompidou, Paris.